vendredi 3 mai 2019

Le feu follet - Louis Malle 1963

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Synopsis :  Alain Leroy, bourgeois trentenaire et alcoolique, est revenu à Paris afin de suivre une cure de désintoxication. Sa femme Dorothy est restée à New York. Autrefois mondain abonné aux soirées de débauche, Alain est aujourd'hui las de la vie.




   


Louis Malle est une figure vraiment atypique du cinéma français. Difficile d'apposer sur son œuvre une étiquette, de la définir par un courant, tant elle semble échapper à toute classification. Par sa forme, elle offre une étonnante variété de tons et de styles, et alterne, dans une aisance déconcertante, documentaires, films expérimentaux et fictions classiques. Une trajectoire singulière pour cet infatigable voyageur, rebelle et solitaire, qui laissera derrière lui, une œuvre profondément troublante et dérangeante. Cet électron libre du cinéma français aura eu le mérite d'avoir ouvertement brisé certains tabous.


Louis Malle fait une entrée tonitruante dans le monde du cinéma. Fraîchement sorti de l'IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques) il est engagé en tant que stagiaire et caméraman-plongeur, par le Commandant Cousteau, avec qui il réalise à l'âge de 24 ans, son premier film, le monde du silence, qui obtiendra, à la surprise de tous, la Palme d'or du Festival de Cannes en 1956 ! Bien peu de cinéastes peuvent se targuer d'avoir une Palme d'Or pour leur première réalisation! Il continue de surprendre, en réalisant, une année plus tard, en 1957, Ascenseur pour l'échafaud, un film qui obtient le prix Louis-Delluc, prix décerné au meilleur film français sorti dans l'année ! Des débuts prometteurs et une entrée en fanfare, qui dénotent chez Louis Malle un indéniable sens de la mise en scène et d'évidentes qualités artistiques. Et ce n'est pas terminé ! À Venise, en 1958, il enflamme le festival avec son film les Amants, qui obtiennent le Lion d'Argent, prix spécial du jury. Pour avoir osé filmer la jouissance au féminin, le sort du film connaîtra une sortie mouvementée sur les écrans : censure, condamnations, interdictions... Les soubresauts se feront sentir jusqu'au Vatican, mais le film, par son parfum de scandale, connaîtra un retentissement mondial et... un succès phénoménal auprès du public. Tout semblait réussir au cinéaste. À 26 ans à peine, Louis Malle avait soudain une stature internationale et une filmographie déjà bien étoffée, et pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître, le meilleur restait à venir....



Avec le Feu follet sorti en 1963, Louis Malle tient là son chef-d'œuvre. Le Feu follet est une adaptation du roman de Drieu La Rochelle, écrivain français, dont l'obsession du suicide, singulièrement profonde, l'amènera finalement à se suicider en 1945. Dans son roman, Drieu La Rochelle rend hommage à son ami de jeunesse, Jacques Rigaut, dandy cocaïnomane, ivrogne et poète surréaliste obsédé par le suicide. Poète raté n'ayant laissé que des fragments d'écriture, Jacques Rigaut, était trop dadaïste pour créer une œuvre réellement consistante. « Essayez, si vous le pouvez, d’arrêter un homme qui voyage avec son suicide à la boutonnière » disait-il dans un de ses aphorismes. Ne trouvant pas une bonne raison d'exister, il finira par se suicider d'une balle de revolver en plein cœur, un 6 novembre 1929, récusant la croyance si répandue selon laquelle, celui qui ne cesse de parler du suicide ne le réalise jamais.

Drieu La Rochelle s'inspirera des derniers jours de la vie de Rigaut pour écrire le Feu follet. Au bout de la chaîne Rigaut-Drieu La Rochelle, on trouve évidemment Louis Malle, tout aussi hanté par le suicide. Dans le film, le suicide n'y sera pas perçu comme un acte de faiblesse ou de lâcheté, mais comme un acte de révolte, et de rébellion contre l'absurdité du monde. Déjà, pour son bac, en philo, Louis Malle avait brillamment philosophé sur l'assertion d'Albert Camus qui affirmait, dans le Mythe de Sisyphe, qu' "Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide."
Oui, nul doute que, tout comme Jacques Rigaut et Drieu La RochelleLouis Malle sera, lui aussi, hanté par le suicide. Au point d'en faire un film. Et à l'approche de ses 30 ans, âge charnière s'il en est, le réalisateur se posera la question de savoir si cela valait vraiment le coup d'entrer définitivement dans le monde adulte et de laisser derrière lui ses belles jeunes années...

En ce sens, le Feu follet restera, sans aucun doute, son film le plus personnel, infiniment proche de ses préoccupations existentielles. Il dira à Philip French, critique anglais de cinéma, dans un livre qui relate ses conversations (Conversations avec Louis Malle) que le film a été "entièrement personnel, volontairement personnel, incroyablement proche de moi. (...) Je venais aussi d'avoir trente ans, et c'est toujours un moment difficile. Je pensais que ma jeunesse était terminée, comme Alain Leroy, le personnage du livre et du scénario. J'étais Alain Leroy."
Un film si personnel que Louis Malle avait lui-même l'intention de jouer Alain Leroy... Le rôle fut finalement dévolu à Maurice Ronet, un rôle sur mesure, LE rôle de sa vie, tant sa prestation est exceptionnelle de bout en bout.

Maurice Ronet, dont l'alcoolisme est un mystère pour personne, est parfaitement taillé pour le rôle d'Alain Leroy, sur lequel la vie semble ne plus avoir de prise. Ce héros désenchanté se définit lui-même comme un inapte, incapable d'aimer et de rentrer dans la vie. Ce dandy, miné par ses angoisses, exprime ses difficultés d'être un homme en restant le spectateur de la vie. Le film, volontairement austère, est un magnifique poème sur la solitude, et la musique d'Éric Satie, tout en déambulation mélancolique, apporte une sérénité et une douceur inattendues.
Finalement, le Feu Follet  agit sur Louis Malle comme une sorte d'exorcisme, et clos définitivement un chapitre de sa vie. Ah, j'oubliais, le film sera logiquement récompensé en 1963 par le Prix spécial du Jury à La Mostra de Venise... 




Bonus Le  Feu follet




La Mort dans l'âme, réalisé par Dominique Maillet en 2015, est un documentaire autour du film de Louis Malle, le Feu follet. Fourmillant d'anecdotes de tournage, il constitue un complément de choix, et figure en bonus du Blu-Ray édité par Gaumont. Il comprend les témoignages de Philippe Collin, José-Alain Fralon, Alain Mottet, Jean Pieuchot, Alexandra Stewart et Jean-Charles Tacchella. Et s'attarde admirablement sur le jeu sombre de Maurice Ronet, acteur au charme fou, malheureusement trop méconnu, et qui tient, là, le rôle de sa vie. Hommage lui est rendu.


Pour étoffer un peu l'affaire, quelques bonus de mon cru...

Bonus :


Parlez-moi d'elle :  longue et belle interview de Louis Malle, qui brosse un portrait affectueux et intime de sa mère. (France Culture - Flac - 60 mn)

- Extrait de L'Atlas du cinéma français : un chapitre consacré à Louis Malle. (Pdf- 18p)
-  Extrait de Conversations avec Louis Malle  : quelques pages dans lesquelles Louis Malle s'entretient avec le critique de cinéma anglais, Philip French, à propos de son film, le Feu follet. Le livre, par ailleurs, est un document précieux et permet de comprendre, pour ceux qui en douteraient encore, à quel point, Louis Malle était un grand cinéaste. (Pdf -4p)
- Extrait de Louis Malle, le rebelle solitaire. Je n'avais pas l'intention de lire ce pavé de 600 pages (!) une biographie écrite par Pierre Billard, consacrée à Louis Malle, mais après avoir lu le chapitre concernant le Feu follet, je ne pouvais plus lâcher le livre des mains...  Inutile de préciser que j'ai été en admiration devant le travail de Pierre Billard, éblouit par son style, son ardeur et sa verve.  En somme, une biographie exceptionnelle, que j'ai finalement lue presque d'une traite...  (Pdf -7pg)
Le feu follet par Arnaud Cathrine.   (Pdf -2p)

Le Feu follet, suivi d'Adieu à Gonzague de Pierre Drieu La Rochelle.   (Avant ou après avoir vu le film, qu'importe, il faut absolument lire le livre de Pierre Drieu La Rochelle! (Pdf - 153 pg)
Pierre Drieu La Rochelle et la mort :  un court et brillant essai de Nathalie Chadeuil, sur les relations que l'écrivain a nouées tout au long de sa vie, avec la mort.
- Curieux Louis Malle  : Christian Defaye s'entretient avec Louis Malle en 1976, sur la Radio Télévision Suisse. ( Flac - 20mn)
Louis Malle, itinéraire d'un solitaire : Serge Lachat revient sur la filmographie du cinéaste, avec en prime, pour presque chacun de ses films, de larges extraits d'interview d'époque. Un régal. (Radio Télévision Suisse  - 86mn - Flac)
Radioscopie de Louis Malle : en 1972, Jacques Chancel s'entretient avec Louis Malle.  (France Inter- 51mn - Flac)
Portrait au révolver, Jacques Rigaut : (France Culture 60 mn - Flac)
-  Extrait de Jacques Rigaut, portrait tiré écrit par Laurent Cirelli.   (Pdf - 9pg) 


- Je me suis permis d'ajouter les nombreux bonus figurant dans l'édition du DVD Criterion, Malle's fire within, où on peut trouver :

- Une interview à fleur de peau de Maurice Ronet. (5 mn - Remux DVD - MKV)
- Un fantastique documentaire de Noël Simsolo, jusqu'au 23 juillet -  Mathieu Amalric, tout en sensibilité déchirante, nous parle du film de Louis Malle. Beaucoup d'émotion dans le portrait qu'il en fait. (29 mn - Remux DVD - MKV)
- Malle's fire within : un d'Alexandra Stewart, Philippe Collinet  de Volker Schlöndorff. Attention, seules les interventions de Philippe Collinet sont en VF, les autres sont en VO (anglais), le tout étant sous-titré en anglais. (27mn - Remux DVD - MKV)
- Interview de Louis Malle (20mn- Remux DVD - MKV)

Kermite.

Bonus : https://1fichier.com/?3hse22gqngjj6bvnt132









1 commentaire:

  1. Merci pour votre éloge de mon essai. Bien cordialement. Nathalie Chadeuil

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